Les bivouacs naturalistes de l’association sont lancés en Guyane ! La première session s’est déroulée les 10 et 12 mars 2023 !
Afin d’initier les sorties entre adhérents en Guyane, nous avons décidé d’élire un certain nombre de zones peu prospectées et faciles d’accès pour nous retrouver et inventorier des mailles vides. Le premier secteur choisi se trouve dans les environs de Cacao : la Montagne Guadeloupe qui culmine à plus de 400 mètres d’altitude.
Cette mission s’est déroulée sur 2 jours et 2 nuits avec 5 participants :
- Nino Page : Entomologiste, Lépidoptériste (Riodinidae et compagnie)
- Maéva Leroy : Entomologiste, Lépidoptériste (Lycaenidae)
- Julien Piolain : Multigroupe
- Loïs Bouchet : Oiseaux, mammifères et chiroptères
- Jérémie Lapèze : Entomologiste, Hemiptériste (Membracidae, Cercopidae, Fulgoridae).
Point météo
Météo très clémente, nous étions au beau fixe et en plein dans le « petit été de Mars ». En Guyane, il est impossible de réunir les bonnes conditions d’observation pour tous les taxons, par beau temps, beaucoup de bêtes ne sortent pas car elles préfèrent la pluie. Il est donc nécessaire de dérouler des inventaires sur une même zone à différentes saisons et périodes de l’année pour avoir un aperçu maximal de la diversité de la zone.
Déroulement des prospections
Prospections diurnes :
Pendant les journées, différents groupes cibles ont été observés. Il s’agit des groupes des rhopalocères, membracides, oiseaux et mammifères. Des données opportunistes concernant la flore et l’herpétofaune ont également été réalisées.
Prospections nocturnes :
Pendant la première soirée, nous avons effectués des prospections actives à la frontale et à la jumelle thermique pour observer l’herpétofaune et la mammalofaune.
Matériel déployé :
- Un piège lumineux (lampes à vapeur de mercure) a été installé durant les deux nuits. Le piège a été déplacé d’une centaine de mètres la seconde nuit pour essayer de diversifier les observations ;
- 4 filets de capture pour les chiroptères ont été tendus la deuxième nuit.
Compte-rendu des observations par groupe
Membracidae
Piège lumineux : 15 espèces pour 20 individus la première nuit, dont le rarissime Proxolonia, une espèce à décrire et déjà répertoriée de plusieurs sites relativement éloignés (Piste Saint-Elie, Nouragues, Le Sourou).
Seulement 6 espèces pour 8 individus la seconde nuit, mais présence du rare Membracis durantoni et de Lycoderides minutifloraphiles espèce relativement commune, mais nouvelle pour la science (en cours de description).
Prospection à vue : très belle diversité et densité, bien que principalement des espèces communes, le discret Dioclophara viridula a pu être détecté.
A l’occasion de ces prospections quelques plantes hôtes ont été répertoriées, principalement des espèces pionnières, très communes en bord de piste : Vismia, Mendoncia, Isertia coccinea, Scleria secans, Machaerium, Miconia, etc.
A vue : 43 observations pour 154 individus et 32 espèces. Ce qui représente un beau « score » pour une journée et demie de prospection sur un même site bien que les espèces soient globalement des espèces classiques. La liste recoupe en grande partie celle établie lors des prospections d’Avril 2021 sur le même site. L’observation la plus intéressante est celle d’un groupe de Erechtia « de tresor », qui est une espèce à décrire, qui n’était connue que de la Réserve Trésor sur la Montagne de Kaw.
Cercopidae
4 espèces pour 14 individus au piège lumineux, que du classique. Aucun individu à vue.
Zulia pubescens, Catrimania albifascia, Maxantonia aff. lineola, Laccogrypota valida.
Fulgoridae
2 individus pour 2 espèces au piège lumineux, Aracynthus sanguineus et Odontoptera carrenoi, très communes. Aucun individu à vue.
Oiseaux
Avec 79 espèces répertoriées en un peu moins de deux jours de prospections, le bilan ornithologique de cette session est plutôt faible (sans être catastrophique, loin de là). L’activité vocale était franchement mauvaise au cours de la première journée (brume le matin, pas de déblocage au lever de celle-ci dans l’après-midi), nettement meilleure durant la seconde.
On peut malgré tout signaler quelques espèces à patrimoniales qui ont été observées au cours de ce week-end, notamment le Palicour de Cayenne, le Sclérure à bec court, le Corythopis à collier, le Conopophage à oreilles blanches, le Calliste syacou et le Sarcoramphe roi. Les quelques rondes de canopée observées se sont avérées très peu diversifiées, et aucune ronde de sous-bois n’a été croisée. Les cortèges de rapaces et de psittacidés nous ont paru particulièrement appauvris, plus encore que ceux des passereaux.
Aucun membre des cortèges d’espèces typiques des forêts submontagnardes de Guyane n’a été observé : ni Moucherolle à bavette blanche, ni Pic or-olive, encore moins de Grisin à croupion roux ou d’Araponga blanc. Ces espèces étant inconnues des montagnes alentours (Cacao notamment), ces non-détections ne constituent absolument pas une surprise. L’allure et la structure des habitats se situant au sommet de la montagne Guadeloupe semblent effectivement assez éloignés de celles des véritables forêts submontagnardes de l’intérieur guyanais, bien que les deux biotopes présentent quelques caractéristiques communes (brume le matin, “fraîcheur” ténue mais perceptible, recouvrement un peu plus important de bryophytes et épiphytes sur les arbres, etc.).
Il est néanmoins assez intéressant de constater qu’à l’instar des véritables forêts “d’altitude” de Guyane, les cortèges avifaunistiques paraissent légèrement appauvris au sommet de la Montagne Guadeloupe par rapport aux forêts de collines et de plateaux présentes dans la majeure partie de la Guyane, d’altitude moyenne sensiblement plus basse. Il serait pertinent de poursuivre l’étude des communautés d’oiseaux présentes sur ce site afin de déterminer si ce ressenti empirique correspond à une réalité, et si oui d’évaluer quelles espèces sont présentes et en quelle abondance sur ces sites forestiers plutôt intérieurs intermédiaires entre forêts de plateaux et forêts submontagnardes, et de poursuivre la recherche d’espèces typiques de ces deux habitats – ou à défaut, de déterminer quelles espèces peuvent être considérées comme caractéristiques de ces biotopes.
Ainsi, bien que le bilan de cette session ne soit pas révolutionnaire sur le plan ornithologique, il soulève plusieurs questions annexes intéressantes. En outre, il est toujours digne d’intérêt de produire de la donnée sur des zones aussi peu prospectées, quoi que l’on y rencontre ! D’autres prospections seront nécessaires pour qualifier avec plus de précision les cortèges d’espèces présents sur la Montagne Guadeloupe et effectuer une comparaison avec ceux de la montagne Cacao (Molokoï), notamment.
Chiroptères
6 espèces observées.
Mammifères
10 espèces contactées de façon directe ou indirecte.
Reptiles
15 espèces rencontrées.
Amphibiens
17 espèces contactées.
Odonates
Seulement 4 espèces de libellules ont été observées au cours de cette session, ce qui est évidemment très faible, mais ce taxon n’a pas été spécifiquement inventorié durant ces prospections. Aux côtés des très classiques Gynacantha membranalis, Erythemis haematogastra et Erythrodiplax famula, une observation se détache un peu plus : celle d’une femelle d’Anax amazili. Il s’agit de l’observation la plus intérieure de cette espèce d’affinité côtière en Guyane. Les Anax sont connus pour leurs grandes capacités de déplacement : était-ce le cas de cet individu, qui aurait pu faire halte au niveau du site potentiellement stratégique pour la migration que constitue la Montagne Guadeloupe ?
Rhopalocères
Avec un minimum de 112 espèces observées en deux jours, le bilan est bon pour cette session sur la montagne Guadeloupe. Peu d’espèces ont été attirées au piège lumineux, et peu de fleurs étaient présentes, mais d’intéressants hilltops constituant des sites de postes territoriaux pour les mâles de dizaines d’espèces ont été découverts en plusieurs points du sommet de la colline. En l’absence de cortèges de criques, les lépidoptéristes se sont notamment focalisés sur ces sites pour leurs chasses.
Du côté des Nymphalidae, quelques belles espèces peu fréquentes ont été rencontrées, comme Hamadryas chloe ou Myscelia milloi. Les Satyrinae ont en revanche été peu présents, et sans la moindre petite surprise. Idem pour les Heliconius et les Ithomines.
Du côté des Hesperiidae enfin, de nombreux compléments sont en attente après la collecte d’au moins une vingtaine d’espèces restant à identifier. Au moins une espèce encore non décrite aurait été capturée, à raison de deux ou trois exemplaires. Les quelques espèces identifiées à vue ne semblaient pas exceptionnelles.
Toutes les données concernant la faune ont été saisies et transmises sur la plateforme Faune-Guyane (https://www.faune-guyane.fr/).
Les quelques données floristiques non accompagnées de photographies ont été saisies sur le terrain via l’application CarNat et se trouvent désormais stockés dans la base de données du MNHN CardObs (https://cardobs.mnhn.fr/) en attendant de rejoindre le SINP et l’INPN.
Un projet cadre sur iNaturalist a également été créé pour regrouper toutes les campagnes de prospection de l’association : https://www.inaturalist.org/projects/bivouac-naturaliste-guyane
Les données photos saisies sur iNaturalist pour ce premier bivouac naturaliste sont visibles dans ce projet : https://www.inaturalist.org/projects/bng-we-montagne-guadeloupe-10-12-mars-2023