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Un deuxième bivouac naturaliste sur la Montagne Guadeloupe (Roura, Guyane) !

Pendant le week-end du 24 juin, nous nous sommes retrouvés sur la Montagne Guadeloupe pour un deuxième bivouac naturaliste. Cela nous a permis de réunir différents adhérents et de prospecter certains taxons qui n’avaient pas encore été inventoriés lors de la première session.

Le premier campement a été établi sur la piste de Changement qui a été barrée de manière sauvage par des orpailleurs illégaux. Un magnifique point-de-vue se trouve à proximité et permet d’observer la canopée de la forêt de flat.

Le deuxième campement a été établi à la bifurcation de trois pistes sous le sommet de la Montagne Guadeloupe.

Point météo : 

Météo assez clémente et typique de la saison sèche (un peu en avance) avec de fortes chaleurs, de l’orage et des averses soutenues. La soirée sur le sommet a été fraîche et bien brumeuse. Malheureusement aucun épisode pluvieux durant la nuit pour activer l’entomofaune. La matinée du dimanche fût relativement brumeuse avec une légère pluie survenue au début du chorus, mais qui s’est rapidement stoppée.

Cette mission s’est déroulée sur 2 jours et 2 nuits avec 6 participants :

  • Mickael Baumann : Oiseaux et chiroptères ;
  • Alexandre Grave : Oiseaux et chiroptères ;
  • Jérémie Lapèze : Entomologiste, Hemiptériste (Membracidae, Cercopidae, Fulgoridae) ;
  • Vincent Prémel : Herpétofaune ;
  • Loup Spadola : Botaniste ;
  • Nils Servientis : Botaniste.

 

Déroulement des prospections

Prospections nocturnes :

Durant les deux nuits, des prospections actives à la frontale ont été conduites par Vincent Prémel afin de recenser les reptiles et amphibiens de la zone. Quelques micromammifères ont également pu être observés.

Prospections diurnes :

Pendant les journées, différents groupes cibles ont été observés. Il s’agit des groupes des membracides, oiseaux et mammifères. Les inventaires floristiques se sont concentrés sur les arbres. Des données opportunistes concernant l’herpétofaune ont également été réalisées.

 

Matériel déployé :

  • Un piège lumineux (lampes à vapeur de mercure) a été installé durant les deux nuits aux emplacements de bivouac ;
  • 2 filets japonais de 12×6 mètres ont été tendus la deuxième nuit pour l’échantillonnage des chiroptères.

Compte-rendu des observations par groupe

Membracidae

Piège lumineux : en cours d’analyse.

Encore le Lycoderides minutifloraphiles, espèce en cours de description, communes sur le site et déjà répertoriée durant la précédente session en mars.

Prospection à vue : 18 espèces, dont deux espèces très rarement observées et nouvelles pour le site : Havilandia pruinosa, qui n’était jusque-là connue que de la région de Saül. Et Philya pallidipennis, qui était connue de la Montagne de Kaw, qui se rencontre sur Senegalia cf. tenuifolia.

 

Cercopidae

Schistogonia simulans, au piège lumineux, espèce qui n’avait pas encore été répertoriée du site.

 

Aphrophoridae

Sphodroscarta trivirgata, qui était déjà connue de la Montagne de Kaw principalement.

 

Fulgoridae

Au piège lumineux :

  • Aracynthus sanguineus
  • Odontoptera carrenoi

Deux espèces très communes, qui avaient déjà été observé lors de la précédente session BN en mars. Aucun individu à vue.

Oiseaux

Pour cette deuxième session de prospections ornithologiques, on dénombre un total de 99 espèces identifiées au cours de ces deux journées.

Ces résultats sont similaires avec ceux de la mission de mars dernier. Au total, en intégrant des prospections réalisées avant 2022, 179 espèces sont recensées sur le secteur de la Montagne Guadeloupe. Les récentes missions du mois de mars et de juin, ont donc permis l’ajout de 83 nouvelles espèces (soit près du double).  Ces résultats (cf. figure) démontrent encore une fois la nécessité de procéder à des inventaires naturalistes pour améliorer nos connaissances et notre compréhension des espèces et des habitats sur le territoire Guyanais.

Concernant le cortège des espèces présentes, peu de surprises par rapport à la mission de mars 2023. Toujours une quasi-absence d’espèces de psittacidés et d’espèces de forêts submontagnardes (Moucherolle à bavette blanche, Pic or-olive, Grisin à croupion roux ou Araponga blanc absents). On notera une belle observation de Grimpar varié ainsi que le balai aérien des Sarcoramphes roi présents tous les jours en survol au-dessus du campement.

Trachéophytes

Lors de ce week-end, nous nous sommes concentrés sur l’observation, l’échantillonnage et l’identification des arbres afin de se familiariser avec quelques-unes des 1500 espèces qui peuplent la Guyane. L’identification des arbres en milieu tropical n’est pas chose aisée. D’une part, leur grande taille rend difficile l’observation des fleurs ou des feuilles et d’autre part, ils sont rarement observés à l’état fertile, ce qui permettrait une identification certaine grâce aux clés d’identification qui sont généralement basées sur ces organes. L’échantillonnage d’un arbre passe par différentes étapes et commence généralement par le choix d’un sujet à inventorier. Ce choix se base généralement sur un caractère original observable : une écorce ou un tronc remarquable, des feuilles dans la litière qui attirent le regard, etc. Il est ensuite nécessaire d’isoler le sujet afin de pouvoir observer son houppier, comprendre sa phyllotaxie et enfin ramasser ses feuilles dans la litière lorsque le matériel frais est hors de portée.

Portfolio Flore

Une espèce très intéressante a été observée dans la forêt autour du lieu-dit Changement Il s’agit de Vochysia sabatieri, une espèce protégée. C’est un espèce endémique stricte de Guyane et principalement connue d’une bande sublittorale au nord-est du département. Elle était déjà connue du secteur mais c’est néanmoins une donnée intéressante pour la Montagne Guadeloupe (lien vers l’herbier de Cayenne : http://publish.plantnet-project.org/project/caypub/collection/cay/specimens/taxo_view/Plantae%20Haeckel%20-%20Magnoliophyta%20Cronquist,%20Takht.%20%26%20W.Zimm.%20ex%20Reveal%20-%20Vochysiaceae%20A.St.-Hil.%20-%20Vochysia%20Aubl.%20-%20Vochysia%20sabatieri%20Marc.-Berti).

Au niveau du sommet de la Montagne Guadeloupe, une dizaine d’espèces d’arbres ont pu être échantillonnées.

Virola kwatae, une Myristicaceae, d’un diamètre de 60 cm. Son tronc droit, cylindrique et au rhytidome sombre ainsi que ses contreforts concaves et en colonnettes permettent de la différencier de Virola michelii. L’autre différence majeure est son écorce molle et facile à trancher contrairement à Virola michelii dont l’écorce est très dure. L’exsudat rouge sui suinte lorsque l’écorce est entaillée est une caractéristique des Myristicaceae. Ses feuilles sont alternes et la face abaxiale, glauque, porte des poils naviculaires à étoilés.

Dussia discolor, une Fabaceae, de plus d’un mètre de diamètre et aux contreforts massifs et imposants. La tranche de l’écorce laisse apercevoir des fibres rouges qui libèrent un exsudat de la même couleur et pourrait faire penser au flashy de certains Swartzia. Ses feuilles sont composées et imparipennées. Les folioles sont nettement bicolores et possèdent un indument de poils roux à la face abaxiale. Cette espèce ne semble pas si commune en Guyane puisque seulement 17 enregistrements sont comptabilisés à l’herbier de Cayenne.

Un arbre du genre Ormosia a également été échantillonné. Ce genre appartient à la famille des Fabaceae et se caractérise généralement par des graines bicolores, noires et rouges. Après des recherches à l’herbier de Cayenne, nous avons réussi à l’identifier comme étant Ormosia sp. B, une espèce en cours de description (Molino J.-F., Sabatier D., Grenand P., Engel J., Frame D., Delprete P. G., Fleury M., Odonne G., Davy D., Lucas E. J. & Martin C. A. 2022. — An annotated checklist of the tree species of French Guiana, including vernacular nomenclature. Adansonia, sér. 3, 44 (26): 345-903. https://doi.org/10.5252/adansonia2022v44a26. http://adansonia.com/44/26). Il s’agit d’un taxon assez proche de Ormosia lignivalvis bien que les folioles soient un peu différentes.

Cette espèce semble très rare en Guyane puisqu’il existe seulement 4 collections à l’herbier de Cayenne et 13 arbres inventoriés dans 7 placettes. C’est une nouvelle localité pour cette morpho-espèce.

Pouteria rodriguesiana, une Sapotaceae endémique du Plateau des Guyanes. L’individu observé possède un tronc de 50 cm de diamètre environ, un tronc droit et cylindrique avec des contreforts droits à la base et formant des cannelures. Son écorce est rougeâtre, fissurée en un réseau de petites plaques. Les Sapotaceae sont caractérisées par des feuilles alternes et un latex blanc, ici moyennement abondant et à écoulement lent.

Portfolio de quelques autres espèces observées et photographiées :

Chiroptères

Durant ces deux jours de prospection, un total de 13 espèces a été contacté au travers des deux méthodes d’échantillonnage : la capture aux filets japonais et l’écoute active au détecteur ultrasonique. Ces deux méthodes sont extrêmement complémentaires dans le contexte Amazonien, car elles permettent une meilleure exhaustivité lors des inventaires sur le terrain. La capture aux filets japonais est indispensable en Amérique du Sud, en effet, la super-famille des Phyllostomidae possède la particularité d’être quasi-indéterminable à l’acoustique, à l’exception de certaines espèces. Aussi, la bio-acoustique active ou passive, s’avère indispensable pour échantillonner les espèces dites de « haut-vol » et les insectivores de manière générale.  Ainsi, les Molossidae, les Emballonuridae et les Vespertilionidae viennent se rajouter de manière systématique aux inventaires forestiers généralement ciblés sur les Phyllostomidae.

La station de capture de cette deuxième nuit de prospection n’était cependant pas destinée à la capture des Phyllostomidae. Les 2 filets de 12×6 mètres ont été disposés de manière à barrer de potentiels axes de déplacements d’espèces largement sous-détectées aux filets. L’objectif était de capturer des espèces appartenant au cortège des insectivores de « haut-vol » afin de recueillir des informations sur l’état de santé, l’état reproducteur et la biométrie.

La particularité de cette station de capture résidait dans le fait que les filets étaient disposés en milieu ouvert à proximité immédiate du piège lumineux de Jérémie. En effet, la forte abondance d’insectes due à l’activité lumineuse du piège a pour effet de concentrer plusieurs espèces d’insectivores. L’idée était de profiter de la présence du piège lumineux pour augmenter les chances de capturer des espèces qui échappent quasi-systématiquement aux filets japonais simplement car leur altitude de croisière et de chasse dépasse largement la hauteur des filets.

Au total, 6 espèces dont 5 Phyllostomidae auront été capturés :

  • Saccopteryx leptura (Emballonuridae)
  • Tonatia maresi (Phyllostomidae)
  • Mesophylla macconnelli (Phyllostomidae)
  • Choeroniscus minor (Phyllostomidae)
  • Rhinophylla pumilio (Phyllostomidae)
  • Dermanura gnoma (Phyllostomidae)

L’écoute active au détecteur aura permis de contacter 6 espèces :

  • Saccopteryx bilineata (Emballonuridae)
  • Diclidurus scutatus (Emballonuridae)
  • Cormura brevirostris (Emballonuridae)
  • Peropteryx macrotis (Emballonuridae)
  • Pteronotus personatus (Mormoopidae)
  • Eptesicus chiriquinus (Vespertilionidae)

Choeroniscus minor

Dermanura gnoma

Platyrrhinus fusciventris-incarum

Saccopteryx leptura

Tonatia maresi

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