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Compte-rendu d’expédition FILAS #1

Introduction

Voici le compte-rendu de notre première campagne de prospection pour inventorier les îlets des Saintes. Au menu, des inventaires faune-flore sur Grand Îlet, La Coche et Les Augustins !

 

Le projet FILAS : Flore et Insectes Littoraux de l’Archipel des Saintes

 

Ce projet, financé par PatriNat, a déjà fait l’objet d’un précédent article. Si vous ne l’avez pas encore lu, c’est par ici !

 

Pour rappel, notre projet FILAS se propose d’inventorier la flore et l’entomofaune des îlets satellites des Saintes. Notre première expédition s’est déroulée sur le Grand Îlet et la deuxième sur l’Îlet à Cabrit. C’est un compte-rendu de notre premier voyage sur Grand îlet que nous décidons de vous partager ici.

Pour information : PatriNat, service commun de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), du Museum National d’Histoire Naturelle (MNHN), du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) et de l’Institut pour la Recherche et le Développement (IRD), centre d’expertise et de données sur la nature, lance la 6 e édition de l’appel à projets « Contribution à la connaissance naturaliste » sur les territoires terrestres et marins (outre-mer inclus).

Pour plus d’information, c’est par ici !

Du 26 au 29 mai 2022, notre équipe de joyeux lurons s’est mise en route pour l’archipel des Saintes, en Guadeloupe. Après quelques péripéties de parking, de matos de bivouac (nous sommes bien chargés !) et de navettes, nous arrivons enfin à Terre-de-Haut où un zodiac nous attend.

Nous avons prévu de passer trois nuits de bivouac sur le Grand Îlet, en autonomie totale et avec des canoës gonflables pour traverser jusqu’à La Coche où nous continuerons nos prospections. En plus des cordes pour tendre les bâches protectrices et des litres d’eau potable en bidons de 5L, nous devons convoyer toutes nos affaires de camping, la nourriture et nos rafiots de fortune qui nécessitent également d’être armés de pagaie – au risque de ramer. Pas sûr que ça rentre dans le zodiac avec les huit membres de l’expédition et nos deux pilotes !

Grand Îlet

Après avoir débarqué, nous commençons à monter le camp, les bâches pour l’ombre et contre la pluie, les emplacements de hamac, rien n’est laissé au hasard !

On remarque rapidement la présence de nombreux rats qui errent sur la plage de galets et dans les fourrés autour du camp qui, petit à petit, commence à ressembler à quelque chose.

Nous avons bien sûr toutes les autorisations nécessaires pour résider quelques jours sur l’île où le bivouac est interdit.

La mission que nous nous sommes donnés est simple : dérouler des inventaires systématiques sur toute la surface de l’îlet. Pour cela, on utilise l’application de terrain CarNat qui envoie directement sur CardObs, l’outil de saisie des données naturalistes développé par le MNHN. Cet outil est directement branché à OpenObs qui permet de visualiser l’ensemble des données qui remontent à l’INPN.

Notre équipe se compose d’amateurs d’oiseaux, d’insectes en tout genre, de reptiles et de plantes. Ces groupes seront privilégiés dans l’étude de cette île et après une rapide collation, on se met au boulot !

Pour la flore, ce n’est pas compliqué, on note tout ce que l’on voit, on prend des photos, on récolte si on ne connaît pas. On prête une attention toute particulière aux habitats naturels et aux communautés végétales associées. Car les plantes aussi sont sociables !

Le milieu naturel, le biotope, composé à la fois d’assemblages de végétaux, parfois de mousses, et d’un brin de géologie prend forme sous nos yeux. Nous y cherchons des traces de civilisation, d’utilisation par les Hommes. Des traces directes, comme les ruines d’une habitation qui se dessine derrière les fourrés, ou indirecte, comme les traces des cabris qui peuplent encore l’île.

Sans parler de tous les détails que nous remarquons lors de l’ascension du premier morne, l’un d’eux nous saute aux yeux : nous n’observons aucune espèce végétale exotique envahissante. Malgré la présence de mammifères introduits, l’absence d’espèces végétales exotiques envahissantes est plutôt bon signe !

Le Grand Îlet possède une diversité d’habitats importante et non négligeable. Outre son aspect rocailleux très marqué notamment par la présence de falaises abruptes et littorales, de parois rocheuses et de plage de galets, on y trouve des végétations arborées avec des forêts de pente à Poiriers pays (Tabebuia spp.).

De pelouses à herbacées recouvrent parfois d’importantes surfaces et sont le refuge pour de nombreuses espèces de cactées.

On y trouve également une saline ceinte d’une petite mangrove à Laguncularia racemosa, Rhizophora mangle et Sesuvium portulacastrum.

A peine le signal lancé, nous nous mettons à farfouiller le long du sentier. Côté faune, nous avons Thomas Dubreuil, l’entomologiste fou, bien épaulé par le restant de l’équipe pour soulever cailloux, troncs et remuer l’humus à la recherche d’insectes et autres petites bêtes.

L’équipe

Thomas, passionné par les araignées et autres insectes, s’occupe principalement par la chasse à vue (il aspire tout ce qui bouge !) et par la mise en place des protocoles de piégeage d’insecte. Durant toute la mission, nous avons mis en place des pièges sous la forme de bols colorés remplis d’eau et de liquide vaisselle.

Il est bien connu que les principaux insectes littoraux appartiennent à l’ordre des Diptères qui occupe bien la frange littorale (certaines espèces sont même inféodées aux laisses de mer !). C’est donc tout naturellement que nous nous sommes concentrés sur cet ordre avec quatre familles visées : Asilidae (espèces endémiques et présence importante sur le littoral), Syrphidae (taxons en cours d’étude dans les Antilles françaises), Bombyliidae (famille des zones littorales et xérophiles, avec un bon potentiel d’endémisme) et Dolichopodidae (plusieurs espèces inféodées à la frange littorale et famille en cours d’étude).

Les bols colorés permettent d’attirer de nombreux insectes volants et ce fut une véritable réussite pour notre mission !

La couleur jaune permet de piéger préférentiellement les Dolichopodidae, alors que les couleurs blanches et bleus permettent d’avoir un plus grand nombre d’espèces. Les bols colorés sont remplis au trois quart d’eau, de sel et d’un agent mouillant (ex. : liquide vaisselle) et disposés pour une durée de 19 à 49 heures. Après la relève des pièges, leur contenu est conservé dans des tubes remplis de Polypropylène Glycol (PPG) jusqu’à leur identification. Ce produit permet une bonne conservation de l’ADN tout en étant facilement transportable par avion.

 

Trois pièges fosses (pièges Barber) ont également été disposés sur la frange littorale. Ces pièges fosses permettent de capturer les invertébrés se déplaçant au niveau du sol. Ils ont été équipés d’un toit (grillage et coupelle) pour éviter toute obstruction par des chutes de branche ou toute capture non intentionnelle (micromammifères, gastéropodes …) et empêcher le débordement du contenant avec les intempéries.

Les inventaires de papillons (Lépidoptères) et de libellules (Odonates) ont été confiés à Alice, notre deuxième entomologiste et surtout herpétologue. Grâce à sa grande connaissance des Saintes, elle aura soutenu tout l’aspect logistique de la mission : sans elle nous n’aurions jamais pu débarquer sur le Grand Îlet !

Alice a effectué de très nombreuses missions de terrain sur les Saintes pendant son VSC de chargée de mission conservation de la Couleuvre des Saintes au sein de l’OFB (Office français de la biodiversité). Malheureusement, nous n’avons pas observé de couleuvres pendant notre séjour…

Nos deux amateurs d’oiseaux sont Gabriel et Jérémy, tous les deux touche-à-tout ! Ils ont observé les oiseaux en plus d’aider aux collectes d’insectes et aux observations de plantes. L’importance de ces îlets pour les oiseaux marins n’est plus à prouver puisqu’ils abritent d’importantes colonies d’oiseaux nicheurs !

L’équipe des botanistes se compose de Benjamin, Darlionei, Jérémy (le même qui regarde les oiseaux, oui oui), Mike et Nils. Il n’en faut pas moins pour tout regarder et tout noter ! Même petits, ces îlets rocailleux offrent une belle diversité taxonomique.

La diversité est aussi ce qui fait la richesse de notre équipe pluridisciplinaire et rompue aux inventaires naturalistes. Ces quelques jours passés sur Grand Îlet nous ont permis de nous rapprocher, d’apprendre à travailler ensemble mais surtout à partager de belles découvertes !

La Coche

Pour cet îlet, un peu éloigné de Grand Îlet sur lequel nous avons établi notre base, il aura fallu gonfler les canoës et attendre que le vent faiblisse pour qu’une petite équipe puisse s’y rendre. Un moment sport pour aller inventorier ce cailloux battu par les vents et qui offre une vue imprenable sur le restant de l’archipel.

La Flore

Après avoir saisi nos données une fois les espèces inconnues identifiées, nous les avons analysé afin de mettre en lumière les espèces patrimoniales qui peuplent les îlets de l’archipel des Saintes. Les espèces patrimoniales, tant pour la faune que pour la flore, sont des espèces dont le statut de menace, de rareté ou de protection leur confère une sensibilité et une fragilité telle qu’elles doivent être sauvegardées. La mise en lumière de ces espèces permet ainsi de pouvoir justifier de l’importance de ces îlets ou de leur caractère unique : ils abritent une flore exceptionnelle et leur conservation est une priorité.

Iresine angustifolia (Amaranthaceae)

Cette espèce est listée comme « Vulnérable » sur la Liste Rouge de la Flore de Guadeloupe. Bien qu’assez abondante en sous-bois des forêts xérophiles de Grand Îlet, elle semble très rare à l’échelle de la Guadeloupe.

Myriopteris microphylla (Pteridaceae)

Parmi les belles découvertes floristiques que nous avons pu faire, celle-ci figure en tête. Sa présence sur les falaises des îlets de l’archipel des Saintes était prévisible mais elle n’avait encore jamais été signalée sur le Grand Îlet – ni sur l’Îlet à Cabrit où l’équipe la trouvera lors de la deuxième session. Cette fougère des zones rocailleuses et aride appartenait auparavant au genre Cheilanthes, genre que l’on retrouve en Europe sur le pourtour méditerranéen. Sur le Grand Îlet, la station est totalement naturelle puisque quelques individus poussent sur une falaise exposée. Les espèces de ce genre ont la particularité de se dessécher totalement pendant la saison sèche et résistent à la dessication.

Melocactus intortus (Cactaceae)

Ce cactus est protégé et en danger critique d’extinction (CR). Il est devenu très rare à cause des cabris qui en raffolent. C’est aussi un cactus à croissance lente qui ne se régénère pas très bien. Il est caractéristique des formations littorales xérophiles de Guadeloupe.

Opuntia dillenii (Cactaceae)

Ce cactus raquette est lui aussi menacé, classé « Vulnérable » (VU) sur la Liste Rouge, il ne se retrouve qu’en haut de falaises littorales. Nous avons eu de la chance de pouvoir l’observer en fleur !

Opuntia triacantha (Cactaceae)

Ce petit cactus raquette se reconnaît à ses articles fins et à ses longues épines blanches. Il se rencontre majoritairement en sous-bois de forêts xérophiles. C’est une espèce patrimoniale qui est quasi-menacée (NT).

Spermacoce dussii (Rubiaceae)

Cette espèce est endémique de Guadeloupe, c’est-à-dire qu’elle n’existe nulle part ailleurs dans le monde ! On la retrouve toujours sur le littoral, en haut de falaise ou dans des prairies rocailleuses. Elle forme de petits coussins ponctués de fleurs blanches.

Entomofaune

Asilidae

Cette famille de Diptère prédateur est facilement reconnaissable à leur corps massif, leurs pattes longues et épineuses et leur rostre (appareil buccal en forme de trompe) surmonté d’un mystax (« moustache » destinée à protégée les yeux de l’insecte des mouvements de sa proie).

Aux Saintes, nous avons pu dénombré pour le moment Efferia nigrimystaceae (endémique régional large) et 1 à 2 espèces d’Ommatius (endémisme régional restreint).

Caponiidae

Cette famille d’araignée relativement peu connue est caractérisée, entre autres, par ses pattes et un céphalothorax orange. Ces araignées se retrouve dans la litière ou sous les pierres où elles tissent une retraite. Suivant les espèces, celles-ci peuvent avoir 2, 3, 4, 5 ou même 8 yeux !

Il s’agit d’une nouvelle observation pour la Guadeloupe, l’identification précise nécessitant de trouver un mâle.

Centruroides sp. (Buthidae)

Nous avons pu collecter trois scorpions lors de notre mission sur les Saintes, toutes du genre Centruroides. Deux espèces différentes ont pu être observées, C. pococki et C. barbudensis, la seconde n’étant pas connue des Saintes.

Avifaune

Huitrier d’Amérique (Haemantopus palliatus)

Lors des prospections, deux individus d’Huitrier d’Amérique ont été observés sur Grand Ilet, plus précisément sur un affleurement rocheux plat dénudé de végétation communément appelé « caye » situé sur la pointe nord de l’île.

Phaéton à bec jaune (Phaeton lepturus)

Lors de prospections à proximité des falaises, quatre individus de phaéton à bec jaune ont été observés sur Grand Ilet. Celui-ci est présent de janvier à août en Guadeloupe.

Frégate superbe (Fregata magnificens)

Les Frégates ont été vues en très grand nombre sur Grand Ilet avec 188 individus comptabilisés au sud-est de l’île. Les sites de Grand Ilet, de la Tête à l’Anglais et de l’Ilet Christophe sont connus pour être des sites de reposoirs d’importance en Guadeloupe.

Fou à pieds rouges (Sula sula)

Grand Ilet est le seul site de reproduction connu en Guadeloupe pour le Fou à pieds rouges. Celui-ci apprécie les îlots où se trouvent des falaises avec une végétation arborée ou arbustive. Du fait de son accès difficile, la colonie est très peu suivie et les données récoltées ne permettent pas de dire si les effectifs sont en hausse ou en baisse.

Noddi brun (Anous stolidus)

Le Noddi brun niche habituellement dans les branches d’arbres et les arbustes sur les falaises et îlets du littoral, cependant peu de sites offrent une telle végétation ce qui oblige les noddis à occuper d’autres niches écologiques.

Sterne fuligineuse (Onychoprion fuscatus)

Les Sternes fuligineuses nichent sur un panel d’habitats assez large allant des bancs de sable aux falaises. En Guadeloupe, cette dernière niche sur de hauts rochers, falaises et îlots éloignés du rivage. Les sternes sont très sensibles aux dérangements humains et peuvent facilement abandonner leur nid. Les Sternes fuligineuses étaient absentes de Grand Îlet mais présentent aux Augustins.

Reptiles

Anolis des Saintes (Ctenonotus terraealtae)

Ce lézard est endémique de l’archipel des Saintes ! Il ne semble pas menacé puisqu’il est classé LC sur la Liste Rouge.

Sphérodactyle des Saintes (Sphaerodactylus phyzacinus)

Ce petit lézard est lui aussi endémique de l’archipel des Saintes et il est très menacé car classé EN (en danger d’extinction) sur la Liste Rouge.

Et voilà, c’est tout pour aujourd’hui ! Merci de nous avoir lus et n’éhsitez pas à partager l’article, à bientôt !

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